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Covid-19 : Les vingt-sept préparent un plan de relance sans précédent

Les Vingt-sept pays de l’Union européenne réfléchissent à la sortie de crise, malgré des divisions. Lors du troisième sommet européen tenu en deux semaines, et après six heures de discussion, ils ont publié une déclaration commune. Si le sujet des « corona bonds » voulus par la France et huit autres Etats (Italie, Espagne, Grèce, Belgique, Slovénie, Irlande, Luxembourg, Portugal), ne figure pas (encore) dans le texte la déclaration présente deux points centraux : une commande passée aux ministres des Finances de l’Eurogroupe pour présenter dans les 15 jours des propositions chocs et l’annonce d’un plan de relance sans précédent pour la sortie de crise.

Une déclaration commune pour préparer l’après-crise

Les cinq axes de cette déclaration commune sont les suivants :

Limiter la propagation du virus

La déclaration rappelle la nécessité du renforcement des contrôles aux frontières extérieures en appliquant une restriction temporaire coordonnée des déplacements non essentiels à destination de l'UE. Une évaluation de la situation en temps utile permettra de savoir s’il convient ou non de prolonger ces mesures. Elle appelle par ailleurs à une gestion harmonieuse des frontières intérieures pour les personnes et les marchandises et à la préservation du marché unique.

Mettre à disposition du matériel médical

Promouvoir la recherche

140 millions d'euros ont déjà été mobilisé pour financer 17projets, notamment sur des vaccins.

Faire face aux conséquences socio-économiques

Soutien aux mesures prises par la BCE. Demande à l’Eurogroupe de présenter des propositions dans les deux semaines. Ces propositions devraient tenir compte de la nature sans précédent du choc du COVID-19, qui touche tous les Etats-membres. Flexibilité budgétaire et juridique pour les États membres qui ont besoin de pouvoir faire tout ce qui est nécessaire. Soutien aux mesures économiques et budgétaires proposées par la Commission.

Annonce d’une stratégie de sortie de crise coordonnée

Les Vingt-sept commencent à préparer « les mesures nécessaires pour revenir à un fonctionnement normal de nos sociétés et de nos économies et à une croissance durable, en intégrant notamment la transition écologique et la transformation numérique, et en tirant tous les enseignements de la crise ». Cela passera par une stratégie coordonnée, un vaste plan de relance et des investissements sans précédent.

Feu vert pour 37 Mds d’investissements

Par ailleurs, les ministres et le Parlement européens ont donné leur feu vert pour l’investissement de 37 Mds proposé par la Commission pour lutter contre l’épidémie.

La Commission renoncera pour 2020 au remboursement des préfinancements non dépensés pour les fonds européens structurels et d’investissements, soit 8 milliards d’euros, ce qui permettrait d’obtenir 29 milliards d’euros supplémentaires.

Par ailleurs, le Fonds de solidarité verra son champ d’application étendu aux situations d’urgence sanitaire. Les avances seront augmentées jusqu’à 25 % de la contribution européenne, au lieu de 10 % actuellement. Enfin, des ressources supplémentaires jusqu’à 50 millions d’euros ont été inscrites dans le budget 2020. 650 M€ seraient ainsi disponibles pour la France.

Les députés ont également voté à la quasi-unanimité la possibilité pour les compagnies aériennes de déroger temporairement à la règle dite du « 80/20 », sur les créneaux horaires (slots) dans les aéroports.

De nouvelles lignes directrices pour protéger les entreprises et les infrastructures des prises de contrôle étrangères

Si l’Union européenne reste ouverte aux investissements étrangers, la Commission a rappelé qu’elle avait également la responsabilité de protéger les entreprises et secteurs européens stratégiques, ainsi que la souveraineté économique européenne. La Commission a ainsi appelé les États membres dotés de procédures de filtrage des investissements étrangers à en exploiter toutes les marges de manœuvre et les États membres qui ne disposent pas de tels mécanismes à en adopter. Avec la loi PACTE la France a été l’un des premiers Etats membres à se doter d’un tel mécanisme.

La situation pays par pays

Allemagne : de nouvelles mesures pour faire face à la crise

L’Allemagne muscle son budget de crise pour soutenir les emplois et les entreprises menacés par l’épidémie de coronavirus (122,5 Mds d'euros de budget supplémentaire). Le gouvernement allemand approuve 750 Mds d'euros de mesures d'aide d'urgence. Les petites entreprises et les indépendants peuvent bénéficier de subventions directes sur une période de trois mois jusqu'à 15 000 euros. Un total de 50 Mds a été affecté à ce programme. Pour les grandes entreprises, l'État pourra monter en cas de besoin au capital au travers d’un fond de stabilisation. Les plans prévoient jusqu'à 400 Mds de garanties de crédit. Jusqu'à 100 Mds ont été réservés à d'éventuels investissements directs dans les entreprises. Un programme de crédit a été mis en place par la banque publique KfW. Elle a également affecté 100 Mds pour aider les entreprises ayant des problèmes de liquidité. Les règles en matière de faillite ont par ailleurs été assouplies. A compter du mois d’avril, les règles relatives au chômage partiel seront également assouplies

La crise va couter au pays des centaines de milliards, selon les chiffres de l’institut ifo. L’’économie devrait subir une contraction allant de 7,1 à 20,6 points soit entre 255 et 729 milliards d’euros. Dans les scénarios esquissés par l’institut de recherche, jusqu’à 1,8 million d’emplois soumis aux cotisations sociales (soit 1,4 million d’emplois à plein temps) pourraient être supprimés.  Selon ING, l’économie allemande devrait se contracter de 1,5 % sur l’année 2020. La baisse de la consommation est estimée à 4 %. La confiance des investisseurs allemands est au plus bas depuis la crise financière de 2008. 

Italie : le patronat se mobilise, le gouvernement durcit les mesures

La Confindustria, demande une réaction européenne forte (émission des titres de dette nationale avec une garantie européenne, sans mutualisation), un plan de soutien massif des petites et moyenne entreprises et une modification du cadre réglementaire en Italie et en Europe.

Devant la hausse rapide du nombre de victimes, Rome a décidé d’accélérer le durcissement des restrictions, demandé par les élus du Nord du pays. Giuseppe Conte, a annoncé l’arrêt de toute activité productive qui ne soit strictement « nécessaire, cruciale, indispensable à garantir les biens et services essentiels » jusqu’au 3 avril prochain, au moins.

Dans toutes les activités qui continuent à fonctionner, les salariés devront être dotés de dispositifs de protection, et le protocole sur les mesures contre le coronavirus devra être rigoureusement appliqué.

Les activités autorisées sont les suivantes : agroalimentaire, énergie, banques et assurances, transports, services postaux, production pharmaceutique, production de piles et batteries, intérim et call center.

La Lombardie, particulièrement touchée, a annoncé la suspension des activités artisanales, de tous les marchés hebdomadaires ouverts et des activités liées aux services personnels.

Les prix de l’électricité et du gaz ont respectivement diminué de 18,3 et 13,5 %. Le gouvernement italien a annoncé qu’Alitalia serait renationalisée prochainement afin d’éviter sa disparition. Il s’agit là d’une des premières décisions par un Etat européen de nationaliser une entreprise stratégique en raison de la crise sanitaire. Alors que la pression sur les finances publiques s’accroît pour soutenir les opérateurs économiques dont l’activité est à l’arrêt en raison des mesures de confinement, l’inquiétude porte maintenant sur la stabilité des banques. La dette publique italienne dépasse 131 % du PIB. Il s’agit, derrière la Grèce, du deuxième pays le plus endetté d’Europe. L’économie de l’Italie devrait se contracter de 3 % en 2020 selon Oxford Economics.

Royaume-Uni : entrée en vigueur de mesures d’aide économiques

Des mesures de soutien aux travailleurs indépendants ont été annoncées. Elles s’ajoutent aux annonces du gouvernement visant à couvrir tout salaire jusqu’à 2 500 £ par mois pour le personnel maintenu par leur employeur. Le Premier ministre Boris Johnson a par ailleurs annoncé le 23 mars la fermeture des commerces non-essentiels, l’interdiction des rassemblements de plus de deux personnes et les déplacements sauf pour urgences médicales et faire ses courses. Des prêts pouvant aller jusqu'à 5 M£ seront accordés aux PME. 2,9 Mds £ viendront renforcer les soins aux personnes vulnérables.  Un plan de soutien à l’économie de 30 Mds £ est également prévu : 12 seront spécifiquement destinés aux mesures contre les coronavirus, dont au moins 5 Mds pour le NHS, et 7 milliards pour les entreprises et les travailleurs britanniques. Parmi ces mesures figurent : la hausse du montant que les entreprises peuvent emprunter ; l’augmentation des subventions aux petites entreprises de 3 000 à 10 000 £

D’autres mesures prévoient une adaptation des règles de passation des marchés publics, prêts et des garanties illimitées pour soutenir les entreprises et les aider à gérer leurs flux de trésorerie. Le Chancelier mettra à disposition 330 milliards de livres sterling de garanties, soit 15 % du PIB britannique. La Banque d'Angleterre a annoncé une baisse d'urgence des taux d'intérêt pour soutenir l'économie : ils passent à 0,25 %, ramenant les coûts d'emprunt au niveau le plus bas de l'histoire. La Banque a déclaré qu'elle libérerait également des milliards de livres de prêt supplémentaire pour aider les banques à soutenir les entreprises.

La British Chambers of Commerce a abaissé ses prévisions de croissance pour 2020 à 0,8 %. La croissance trimestrielle du PIB devrait atteindre 0,2 % au premier trimestre 2020, suivie d'une contraction de - 0,1 % au deuxième trimestre. Les prévisions de croissance de la consommation des ménages ont été revues à la baisse à 0,9 % pour 2020 et 1,4 % pour 2021. L'investissement des entreprises devrait se contracter de 0,7 %.

Chine : Relancer la consommation est devenue une priorité essentielle

La ville chinoise de Wuhan va lever le 8 avril ses restrictions aux déplacements. Les habitants du reste de la province du Hubei peuvent également sortir des frontières provinciales.

La Chine préparerait un plan de relance de 2 800 Mds CNY (394 Mds USD) pour soutenir l’investissement dans les infrastructures et accélérer le déploiement de la 5G. En attendant, elle a pris des mesures fiscales, d’emploi et de soutien aux entreprises. La NDRC a publié un « plan d’action visant à stimuler la consommation et réduire la pauvreté ». Il incite les autorités publiques et organisations affiliées à consommer davantage. La banque centrale chinoise, qui a débloqué fin février des extensions ou des renouvellements de prêts aux entreprises, a annoncé une baisse du ratio de réserve obligatoire des banques, libérant 550 Mds yuans (70,6 Mds d'euros) pour soutenir l'économie. Le Quotidien du peuple annonce « la réouverture de 79 % des chantiers de grands travaux ».

Selon Trivium, l’économie chinoise fonctionnerait au 24 mars à 78,1 % de ses capacités normales (78,0 % pour les grandes entreprises ; 78,1 % pour les PME). Les entreprises industrielles fonctionneraient à 78 % de leur niveau normal. Les profits des entreprises industrielles chinoises ont chuté au cours des deux premiers mois de l’année : -38 %.

A partir du 29 mars, la Chine suspend temporairement l’accès à son territoire à tous les étrangers détenteurs d’un visa délivré avant le 26 mars. Les étrangers doivent refaire une demande de visa auprès d’une ambassade ou d’un consulat.

Les exportations chinoises ont chuté en glissement annuel de 17,2 % en janvier/février alors que les importations baissaient de 4 % mettant la balance commerciale en déficit. Euler Hermès estime que la Chine va perdre 108 md USD de revenus sur ses exports de marchandises, 72 md de revenus touristiques et 10 md sur les services de transports soit un total de 190 md de baisse globale de ses revenus d’origine extérieure. Goldman Sachs prévoit une récession de 9 % au premier trimestre en Chine. Ses prévisions pour la croissance annuelle chinoise sont désormais de +3 % (contre +5,5 % jusqu’ici)). La production industrielle a chuté de 13,5 % au cours des deux premiers mois de cette année. Cela représenterait la contraction la plus importante jamais enregistrée. Le taux de chômage urbain a également bondi à 6,2 % en février. Les ventes au détail ont chuté de 20,5 % en glissement annuel en janvier et février 2020. La production de services s'est contractée de 13 %.

Etats-Unis : le nombre de cas dépasse désormais celui de la Chine

Un plan de relance de 2000 Mds $, soit l’équivalent de 10 % du PIB a été décidé. Les mesures incluent des aides directes versées aux Américains (chèques, indemnités chômage), des prêts pour les entreprises ainsi que davantage de moyens pour les hôpitaux. Des chèques d'une valeur maximale de 1 200 $ par adulte gagnant moins de 75 000 $ (ou 2400 $ pour les couples gagnant moins de 150.000$ / an) seront distribués. Les prêts garantis par le gouvernement aux industries atteignent 500 Mds. La législation prévoit 367 Mds de prêts et de subventions pour les petites entreprises de moins de 500 employés. Le Congrès et la Maison Blanche ont décidé d'augmenter les allocations de chômage de 600 $ par semaine pendant quatre mois.

La FED a annoncé de nouvelles mesures de soutien à l’économie avec le rachat d'obligations d'entreprises et des achats de titres du Trésor. Cela s’ajoute aux mesures déjà annoncées concernant l’achat d’au moins 500 Mds $ de titres du Trésor et 200 Mds de titres adossés à des créances hypothécaires. La FED a aussi annoncé une série de mesures en faveur des entreprises et des consommateurs. Elle va notamment acheter sur le marché secondaire des obligations émises par des grandes entreprises, au moins jusqu'à fin septembre. Pour bénéficier des programmes de prêts et d'achats de titres, les entreprises devront s'engager sur leur politique de dividendes et de rachats d'actions.

Conséquences de la crise sanitaire : 3,283 millions d’Américains se sont inscrits au chômage en une semaine, cinq fois plus que le précédent record qui remonte à 1982. L’économie avait perdu 5 millions d’emplois en un an en 2008-9, elle va probablement perdre la même quantité, au moins, en deux semaines. Goldman Sachs a annoncé que le PIB américain pourrait se contracter de 5 % au deuxième trimestre, ce qui serait une baisse sans précédent depuis la crise financière de 2008. Goldman Sachs prévoit également une baisse du PIB de 24% au deuxième trimestre. Les secteurs les plus touchés sont ceux des loisirs et de l'hôtellerie, ainsi que du commerce de détail. Près de 80 millions d'emplois sont à risque élevé ou modéré selon l'analyse de Moody's Analytics. Cela représente plus de la moitié des 153 millions d'emplois dans l'ensemble de l'économie.

Déclaration commune des dirigeants du G20 :  5000 milliards de dollars pour une réponse mondiale robuste

Les dirigeants des pays membres du G20 (G7 + Afrique du Sud + Arabie Saoudite + Argentine + Australie + Brésil + Chine + Corée du Sud + Inde + Indonésie + Mexique + Russie + Turquie + UE) ont affiché leur unité et leur détermination à apporter une réponse robuste et coordonnée à la crise mondiale du Covid-19.

Pour limiter l’impact de cette crise sanitaire, économique et sociale, ils se sont dit prêts à injecter 5000 milliards de dollars dans l'économie, à coopérer avec toutes les institutions financières multilatérales (OMS, FMI, Banque mondiale et banques de développement multilatérales et régionales) et à apporter toute l’aide requise aux pays les plus vulnérables. Les dirigeants du G20 se sont dit déterminés à atteindre leurs objectifs : protéger des vies, sauvegarder les emplois et les revenus des personnes, rétablir la confiance, préserver la stabilité financière, relancer la croissance et la reprise, minimiser les perturbations du commerce et des chaînes d'approvisionnement mondiales, fournir une aide à tous les pays qui en ont besoin, coordonner les mesures de santé publique et les mesures financières. Pour les pays les plus vulnérables, ils promettent de l'aide au développement et de l'aide humanitaire, mais aucune mention n’est faite à ce stade d’un allègement de la dette, réclamé par les institutions financières internationales.

>> Consulter la déclaration commune des 27 :

https://www.consilium.europa.eu/media/43084/26-vc-euco-statement-fr.pdf

>> Consulter le communiqué du G 20 : https://g20.org/en/media/Documents/G20_Extraordinary%20G20%20Leaders%E2%80%99%20Summit_Statement_EN%20(1).pdf